La Chute des feuilles

Portrait critique de la société géorgienne

URSS 1966 N&B 1h31
Production : Kartuli Pilmi / Studio de la Géorgie
Réalisation : Otar Iosseliani
Scénario : Amiran Chichivadze
Image : Abessalom Maïssouradze
Musique : Nana Iosseliani

Avec : Ramaz Giorgobani, Gogui Kharabadze, Otar Zaoutachvili, Alexandre Omiadze, Marina Kartsivadze, Dodo Abachvili, Baadour Tsouladze…

Deux jeunes diplômés sont embauchés dans la principale usine de vinification de Tbilissi. Mais Niko n’accepte pas les principes en vigueur dans cette entreprise. Il refuse de donner le feu vert à la vente d’un fût de mauvaise qualité, au risque d’empêcher la réalisation du Plan qui, à l’époque, réglementait toute l’économie soviétique.

Un portrait critique de la société géorgienne de ce temps.

Prix FIPRESCI Cannes 1968

Cinéma Le Balzac
Lundi 11 mars à 18h

Le film sera précédé d'un court métrage : MIR, de Guram Narmaniia (2023, 13')

Il était une fois un merle chanteur

Poésie et nostalgie

Il était un merle chanteur 
URSS 1970 N&B 1h22
Production : Kartuli Pilmi / Studio de Géorgie
Réalisation : Otar Iosséliani
Scénario : Dimitri Eristavi et Otar Iosseliani
Image : Abessalom Maïssouradze
Musique : Taïmouraz Bakouradze
Avec : Guela Kandelaki, Irina Djandieri, Gogui Tchkheïdze, Elena Landia, Djanssoug Kakhidze, Robert Stouroua, Zourab Nijaradze…
Guia est un musicien encore jeune. Il joue des percussions et du triangle dans l’orchestre symphonique de Tbilissi. Mais insouciant et trop souvent attiré par ses amis, anciennes amoureuse ou simplement la vie des quartiers qu’il traverse, il est toujours en retard.
Un magnifique film poétique et nostalgique.

En 2004, pour son 30e anniversaire, une plaque en letton et géorgien est placée 14, rue Marstalu à Riga. Elle dit : « Otar Iosseliani, hôte d’honneur du Forum International de Films Arsenal, passa devant ce bâtiment, s’arrêta et but un verre de vin Akhacheni. » Un nichoir stylisé l’accompagne, en hommage au Merle chanteur.

Cinéma Le Balzac
Lundi 11 mars à 20h30

Otar Iosseliani, le merle chanteur s'est échappé

Ma première rencontre avec Otar Iosseliani date d’août 1975, à Tbilissi. Son second film Il était une fois un merle chanteur (1970) vient de sortir à Paris après plusieurs années de purgatoire. Car Otar dérange. La critique soviétique et une partie du public ne savent comment réagir à ce film poétique, si éloigné de toute propagande officielle, construit comme un de ces chœurs géorgiens si chers au réalisateur. Guia, le héros du film, musicien dans l’orchestre de l’opéra, semble perpétuellement en retard même s’il surgit toujours au dernier moment, mais juste à temps, pour donner le coup de triangle que tout le monde attend. Sa vie est faite de l’accumulation de petits actes quotidiens, cérémonies familiales, rencontres amoureuses toujours déçues, banquets où ses amis s’arrachent ce jeune homme souriant et un peu lunaire, comme les héros des films de Jacques Tati, l’une des références françaises de Iosseliani. Otar est à la fois le strict inverse de son héros et en partage une partie des sentiments profonds. La quarantaine à peine dépassée (il est né en 1934), c’est un bel homme longiligne, le nez allongé entre deux yeux pétillants de malice, un aristocrate à la fois désabusé et totalement lucide. Il déteste les carcans de ce régime avec lequel il a dû lutter pour la production et la sortie de tous ses films. Mais au-delà du système soviétique, il a une sorte de nostalgie plus profonde en observant la disparition d’un monde ancien qui représente pour lui l’équilibre humain le plus naturel. Je lui parle de la lumière qui entoure son héros déambulant sur l’avenue Roustaveli, sans cesse happé par quelques filles, connues ou inconnues, qui toutes lui disent « mais où étais tu passé, on ne te voit plus.. ».  

J’avais déjà admiré son premier long métrage, La Chute des feuilles (1966) qui avait suscité en Géorgie des critiques haineuses reprises avec complaisance par la presse officielle. "L'auteur du film regarde nos vies à travers les yeux de l'ennemi" écrit l’un de ces spectateurs. " Ce film doit être retiré des écrans, détruit ! C'est tout ce qu'on peut en dire » disait un autre. "Comment croire que le peuple géorgien vive comme le montre le film ? » Beaucoup ne supportaient pas ce personnage de jeune technicien qui, en refusant de mettre en bouteille le contenu d’un fût de mauvaise qualité, vient bousculer le train-train de la principale usine de vinification de Tbilissi, plein de petites compromissions et de passe-droits. Mais au-delà de cette critique des malversations sommes toutes courantes, ce qui frappa le public était le portrait sans complaisance d’une société minée par les mesquineries petites et grandes en constant décalage avec ce qu’on pouvait attendre d’une société soviétique à la veille du cinquantenaire de la révolution. D’ailleurs, le film se termine, au son d’un carillon de cloches, par un panoramique sur une vieille église que l’on pouvait interpréter comme le dernier refuge d’une pureté inaccessible. Des queues se formaient pour voir ce film dont tout le monde parlait en ville et les autorités locales réagirent en le retirant des écrans. En riant, Otar me raconta que le prétexte qu’ils avaient trouvé était le numéro du fût de ce mauvais vin rouge : le 49e. Ils y avaient vu une allusion au 50e anniversaire ce à quoi il n’avait, dit-il, vraiment pas pensé. Curieusement, à Moscou, on en jugea autrement, peut-être pour donner un peu plus de corps à l’idée bien répandue que, décidément, les Géorgiens ne pouvaient vivre qu’en transgressant les normes : le tout puissant Goskino, le comité d’Etat au cinéma envoya le film au festival de Cannes où il obtint deux prix, permettant à Iosseliani d’acquérir une notoriété qui allait l’aider à poursuivre sa carrière. 
Comme je lui demandais comment on pouvait réussir à créer des films aussi personnels, aussi éloignés des exigences idéologiques du système de production officiel, il me livre quelques-unes de ses recettes. Il préparait longuement, soigneusement chacun de ses films en dessinant une sorte de story-board où chaque plan était détaillé en dessins, avec les dialogues. Et c’est à partir de cette esquisse qu’il filmait ensuite chaque scène. « Tu comprends, me dit-il, les censeurs du Goskino attendent qu’on suive à la lettre les dialogues qu’on leur a proposés et qu’ils ont acceptés. Alors je prépare deux scénarios, l’un pour la censure et l’autre pour le tournage. Les dialogues sont les mêmes mais ce qui est important, ce sont les mouvements de caméra, les regards, les attitudes et cela se décide au tournage puis au montage. Et puis, il y a différentes sortes de censeurs. Tous ne sont pas des salauds. Certains comprennent parfaitement ce qu’on veut faire réellement et ils nous conseillent. Comment faire passer une idée sans que la commission de censure n’y voie rien à redire. Après, quand le film est fini, c’est une autre histoire. C’est le Goskino qui décide combien de copies seront tirées et de là quelle sera la diffusion du film. Cela détermine les primes que les studios, le réalisateur et son équipe obtiendront. C’est un jeu épuisant pour nous mais le film existe. »

Le refus de diffuser Pastorale, l’histoire d’un quatuor à cordes venu répéter dans un village, prétexte à un regard ironique et critique sur la vie d’un kolkhoze et au-delà sur les rapports humains devenus impossibles dans cette société, plonge Iosseliani dans une longue période d’inactivité cinématographique. Grâce à l’aide d’E. Chevardnadze, le secrétaire du PC géorgien, il obtient de Goskino le droit d’aller faire un film en France et, après une période d’allers et venues entre les deux pays, il s’installe définitivement à Paris en 1985. Il reviendra régulièrement en Géorgie mais désormais, son activité principale sera française, à l’exception d’un documentaire télévisé pour Arte consacré à l’histoire de son pays (Seule, Géorgie) et d’un dernier film géorgien tourné en 1996, Brigands, chapitre VII. 
Otar est mort le 17 décembre 2023 à Tbilissi. Mais pour nous, le merle chanteur continuera de chanter.

Jean Radvanyi
 

Soirée hommage à Otar Iosseliani
Lundi 11 mars 2024 au Balzac

Possibilité d'acheter les billets en avance sur place ou par internet www.cinemabalzac.com

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